Deborah Papiernik [Ubisoft] : « Est-ce que j’ai une tête à vendre du jeu vidéo ? »

Deborah Papiernik, senior vice-présidente en charge des partenariats et des alliances stratégiques chez Ubisoft, était sur la scène du Bang lors de la 7e édition de Big. En 7 minutes chrono, elle nous raconte comment elle est parvenue à se faire une place dans le monde des jeux vidéo.
 

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Deborah Papiernik

« Au diable le syndrome de l’imposteur ! ». Cette exclamation résume le parcours de Deborah Papiernik chez Ubisoft. Retour plus de 25 ans en arrière. Tout juste sortie d’études, elle est recrutée par le futur géant français du jeu vidéo. « C’était un peu étonnant à l'époque pour une jeune diplômée d'école de commerce, pas vraiment joueuse, de postuler chez un éditeur de jeux vidéo », raconte-t-elle. Et pourtant, elle se fait rapidement une place dans cette industrie qui, selon elle, « permet de créer ses propres expériences et ses propres mondes ». 

« J’étais un peu un ovni » 

 

« Quand j'ai commencé au marketing chez Ubisoft, je n’avais pas beaucoup de budget pour vendre mes jeux. », se souvient-elle. Alors, faute de pouvoir acheter des pages de publicité, elle monte des partenariats inédits, parfois même avec des acteurs très éloignés du jeu vidéo comme l'Aéro Club de France ou un grand magazine économique, de façon à toucher un nouveau public. « Je dois vous avouer que pour certains de nos partenaires, j'étais un peu un ovni : une jeune femme – mère d’une famille nombreuse – dans un monde d'hommes, une occidentale quand les maîtres du monde du jeu vidéo étaient encore les Japonais ». 

Mais Deborah Papiernik ne s’est jamais trop posé de questions. « Je me suis toujours sentie à ma place, légitime ». Même lorsqu’on lui demande de gérer des équipes de développement et de production dont elle ne connait absolument pas le métier : ingénieurs, graphistes, game designers, etc. Elle réalise alors à quel point il est important d'être curieux, de toujours essayer de comprendre, quitte à pousser celui qui a la compétence technique à vulgariser le problème. « Ça constitue souvent un bon début de solution. Et en installant de la confiance réciproque, je peux épauler aussi bien des équipes techniques que des équipes de création à prendre les bonnes décisions ou leur ouvrir d'autres chemins ». 

Mais le vrai tournant de sa carrière nait d’une remarque d’un de ses managers. « Il m’a dit qu'il regrettait qu'on ne m'entende pas plus en réunion et que ma parole avait autant de valeur que celle d'un autre manager ou d'un directeur de filiale ». Elle comprend alors que ce qui lui parait évident ne l’est pas pour tout le monde et qu'en prenant la parole, elle a le pouvoir d’apporter une autre vision. « Mais attention parce que si vous m'invitez à une de vos réunions, vous prenez le risque que je donne très vite mon avis », plaisante-t- elle.

« Pour conquérir, il faut accepter de sortir de sa zone de confort »

 

Déborah Papiernik déclare aborder les nouveaux sujets tout comme les nouvelles rencontres, avec curiosité, mais aussi avec un esprit d'exploration plus qu'avec un esprit business. « Si on trouve le bon projet, on trouvera le bon business model, quitte à prendre des risques. Parce que pour conquérir, il faut accepter de sortir de sa zone de confort ». 
Un état d’esprit qu’elle met en pratique depuis de nombreuses années chez Ubisoft, pour proposer de nouvelles expériences aux fans des jeux vidéo et au grand public. Transformer Just Dance en spectacle live, proposer des concerts symphoniques d’après la musique composée pour le jeu Assassin’s Creed, envahir - en réalité augmentée - les jardins du Château de Versailles avec les Lapins Crétins… Deborah Papierkik ne s’interdit aucune folie. 
« Après l’incendie de Notre-Dame, j'ai demandé à mon équipe de créer une visite virtuelle de la cathédrale à partir du modèle 3D qui avait été développé pour Assassin's Creed Unity sur la Révolution française, sorti cinq ans plus tôt. ». Autre succès à son actif : le documentaire Lady Sapiens, sur le rôle de la femme dans la préhistoire et diffusé sur France 5. « Pour la première fois, on avait un documentaire scientifique illustré par des séquences filmées à l'intérieur du monde virtuel dynamique de Far Cry Primal ».  

Pour la senior vice-présidente d’Ubisoft, tout peut devenir un jeu. Celle qui voit dans le jeu vidéo un savant mélange d'art et de technologie, une industrie qui se renouvelle tout le temps, se saisit de toutes les opportunités pour inventer des nouvelles façons de jouer. « Ça fait 25 ans que je m'amuse, que j'apprends tous les jours et que je travaille avec des équipes qui m'ont suivie dans la conquête de nouveaux territoires, même au-delà de notre cœur de métier. Qui aurait cru que le jeu vidéo serait à la pointe de La French Touch. Qu’est-ce que vous en pensez finalement :  j'ai une tête à vendre du jeu vidéo ? »