Thé, coton, safran… Ces entrepreneurs qui relocalisent en France des cultures oubliées ou exotiques

Pour des raisons environnementales, mais aussi patrimoniales et économiques, des entrepreneurs tentent de rapatrier des cultures un temps oubliées ou exotiques. Découverte de ces pionniers insolites. 

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Thé, coton, safran… Ces entrepreneurs qui relocalisent en France des cultures oubliées ou exotiques

A Saint-Cannat, non loin d’Aix-en-Provence, Caroline Ricard et Guillaume Catoni se sont lancé un pari : faire pousser du safran sur les anciennes terres agricoles familiales, alors que 95% de la production mondiale vient d’Iran. La première est fonctionnaire, le second développeur, pas grand-chose ne les prédestinait à cultiver « l’or rouge », si ce n’est une envie soudaine de mettre les mains dans la terre. 

« Nous avons choisi le safran car c’est une épice de luxe, très intéressante à cultiver, sobre en énergie, peu gourmande en eau et qui se plait ici », explique Guillaume Catoni. Le prix d’un kilo de safran est d’environ 35 000 euros. Pour l’heure, la culture s’étend sur 3000 m². Safranière de Provence, le nom de la petite société, rejoint le cercle minuscule des producteurs hexagonaux. Pour la France, c’est une petite renaissance. Au XIXe siècle, le pays produisait en effet 30 tonnes par an de la précieuse épice. La filière a totalement disparu dans les années 1930, avant de renaître tout doucement ces dernières décennies.  

Le champ de Caroline Ricard et Guillaume Catoni a produit près de 20 000 fleurs fin 2021, encore trop peu pour en faire une activité significative, mais, d’ici trois ans, les bulbes se seront multipliés et Safranière de Provence devrait passer à la vitesse supérieure. « L’objectif est de commercialiser en ligne le produit brut ou transformé, sous forme de confitures, biscuits, sirops… », détaille le couple. 

Une poignée de producteurs de thé en France métropolitaine 

Près de Roanne (Loire), c’est une plantation de thé qui a vu le jour. L’idée a germé dans la tête de Julien David, qui fait partie des rarissimes récoltants-producteurs de France. Dans l’hexagone, on compte seulement une trentaine de cultures, principalement en Bretagne et dans le Pays basque. Après une première vie professionnelle dans le champ de la physique appliquée et de l’industrie, ce dernier « passe 12 mois à faire le tour de France des vignobles » dans l’idée de se réorienter dans les métiers du vin, raconte-t-il. C’est pourtant dans le thé qu’il décide de s’investir, fondant avec sa femme La Fabrikathé (FBKT), dans son village natal de Pouilly-les-Nonains. 

Grâce, entre autres, aux compétences d’un sommelier du thé, d’une nutritionniste et d’une pharmacienne, FBKT devient un atelier d’assemblage de thés et d’infusions haut de gamme, qui compte une vingtaine de salariés pour un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Le thé produit en France coûte entre 350 et 1 600 euros le kilo. L’entrepreneur ambitionne à présent de produire sur place des plantes aromatiques et du thé. Sur ses terres, FBKT exploite désormais 1,2 hectare de plantes aromatiques et médicinales (avec un objectif de 6 hectares à 2024), 6000 m² de maraîchage et les premiers théiers. « Pour le moment, nous cherchons à fixer notre méthodologie et identifier les meilleurs écotypes pour notre terroir ». A terme, près de 800 théiers pourraient offrir une première récolte d’ici trois ans, mais il faudra quelques années de plus pour « maîtriser tout le process ».  

La culture d’un thé français est plus qu’un symbole ou un argument marketing pour FBKT. « Qui sait si on pourra encore importer du thé d’Asie dans plusieurs décennies ? Qui sait s’il ne finira pas par devenir un produit de luxe inaccessible en Europe ? interroge l’entrepreneur. Nous sommes engagés dans une réflexion et un travail de très long terme ». 

Un champ de coton dans le Gers 

En France, d’autres tentent même de cultiver des plantes exotiques, que l’on importe habituellement. Dans le Gers, le lancement de la première plantation de coton made in France, en 2016 par trois jeunes agriculteurs a défrayé la chronique. Quatre ans plus tard, la jeune cotonnière produit sur plus de 12 hectares et commercialise en ligne des vêtements. Le prix des polos sont plus élevés : de 95 à 125€. Mais ils rappellent que leurs polos sont 100% français et font tourner des entreprises de l'hexagone. Certes, les rendements sont moindres que sous d’autres latitudes, mais le coton gersois a l'avantage de ne nécessiter aucun apport en eau outre celui de la pluie. Le coton part ensuite dans les Vosges pour être filé, puis dans l’Aube pour être tricoté, avant que les vêtements ne prennent forme à Mont-de-Marsan. Résultat, 2 000 kilomètres au compteur. 20 fois moins que pour un tee-shirt fabriqué en Asie.