Caroline Neyron [Impact France] : « L’objectif derrière le terme de licorne à impact est d’avoir un engouement médiatique et une politique publique associée »

Pour valoriser les entreprises à impact, de plus en plus nombreuses, Impact France travaille pour faire émerger des licornes à impact. Caroline Neyron, directrice générale du mouvement, revient sur ces ambitions.

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Big média : En tant que directrice du mouvement Impact France, pouvez-vous revenir sur vos missions ?

Caroline Neyron : Nous sommes une organisation patronale qui rassemble et fédère tous les entrepreneurs engagés dans la transition écologique et sociale qui souhaitent réorienter globalement l’économie française dans une logique d’impact positif. Notre communauté est bien représentative de notre tissu économique, on y compte des grands groupes, des startups innovantes, des acteurs pionniers de l’économie sociale et solidaire (ESS), des TPE/PME, et ce, partout en France. Nous comptons aussi des réseaux d’entreprises de tous les secteurs.

Ensemble, nous mettons en place de nouvelles manières de faire et élaborons des propositions concrètes auprès des sociétés et des décideurs publics, pour accélérer cette transition. L’objectif est de limiter l’impact négatif de l’économie sur les enjeux climatiques tout en favorisant l’inclusion. Nous invitons également les entreprises à revoir le partage de la valeur, comme certains mutualistes ont pu le faire récemment en intégrant un dividende écologique et sociétal à leur stratégie.

BM : En quoi créer le terme de « licorne à impact » est un moyen supplémentaire d’engager le plus grand nombre ?

CN : Aujourd’hui il y a une prime au vice plutôt qu’une prime à la vertu : pour devenir grand le plus facile est de rechercher à tout prix des gains importants, quitte à avoir une empreinte carbone forte et un impact social très faible (peu d’emploi créés, peu d’inclusion, partage de la valeur inéquitable etc.).

L’économie à impact est boostée par des entreprises qui veulent au contraire agir autrement et qui bousculent un secteur en apportant de nouvelles solutions, à l’image d’entreprises comme Phenix, Loom ou encore WeTradeLocal. Par définition, ces startups peuvent moins facilement devenir des licornes car elles respectent des paramètres écologiques et sociaux forts qui sont plus couteux et diminuent logiquement leur avantage concurrentiel. Les critères pour être comparé à un animal fantastique ne leurs sont donc pas forcément adaptés. L’objectif derrière le terme de « licorne à impact » est de proposer de nouveaux critères de valorisation et d’obtenir des politiques publiques associées en réponse aux enjeux écologiques et sociaux.

Le président de la République avait fixé l’ambition d’atteindre 25 licornes françaises d'ici 2025, peut-être pouvons-nous dire que d’ici la fin de son mandat il y aura 10 licornes à impact en France ? 

BM : Quelle est la définition de licorne à impact ?

CN : Tout comme une licorne, c’est une entreprise innovante, non cotée en bourse et de moins de dix ans. Nous remplaçons toutefois le pilier de la valorisation à 1Md$ par un critère fondé sur les coûts évités pour la société. Cet indicateur permet de comparer des activités différentes, de tenir compte de toutes les externalités positives d’une entreprise et de valoriser son apport à la société. Avec cette nouvelle valorisation, les entreprises à impact seraient à même de lever davantage de fonds publics et privés, d’attirer toujours plus de talents et de devenir aussi compétitives que les entreprises classiques. Cela pourrait ouvrir un chemin vers un nouveau modèle de compétitivité sociale et écologique, capable de relever les grands défis de notre époque que nous devons relever.

« On a toutes les cartes en main pour être les champions de l’innovation écologique et sociale »

BM : Y-a-t-il déjà des entreprises qui entrent dans le scope de licorne à impact ?

CN : Pas encore. Certaines y sont presque comme Phenix ou encore Simplon. Pour favoriser leur développement, il faut des dispositifs similaires que ceux déployés aujourd’hui pour l’innovation « purement » tech. En effet, très peu, voire aucune entreprise à impact ne profite aujourd’hui de crédit d’impôt recherche ou innovation, ou du statut Jeune entreprise innovante (JEI). Pourtant, ces startups apportent des solutions nouvelles qui permettent d’accélérer la transition environnementale. Elles sont de plus en plus nombreuses à bousculer les choses, mais il faut leur donner les moyens de grandir vite !

BM : Etes-vous en lien avec la French Tech ?

CN : Bien sûr ! Nous travaillons au quotidien en bon intelligence avec la French Tech et les pouvoirs publics pour trouver les moyens de faire grandir cet écosystème. Nous entretenons des rapports de co-construction. On a besoin de la French Tech pour qu’elle insuffle à ces entreprises à impact cette capacité de passer à l’échelle. Et les entreprises sont de plus en plus engagées, y compris celles de la French Tech ! Elles comprennent que c’est un enjeu de souveraineté mais aussi un moyen de fidéliser leurs salariés, de se prémunir des risques, et de développer de nouveaux marchés. On a la chance d’avoir de l’avance sur ces sujets à l’échelle mondiale. On a toutes les cartes en main pour être les champions de l’innovation écologique et sociale. Nous avons juste besoin d’une forte volonté politique pour y arriver.

BM : Avez-vous également l’ambition de rendre la notion « d’entreprise à impact » officielle ?

CN : C’est un enjeu essentiel, oui. En officialisant cette notion, cela lui donnera du poids et permettra d’éviter le greenwashing via l’utilisation abusive de cette notion et les campagnes de communication trompeuses. Nous sommes en train de vivre un moment clé. La légitimité de ce qu’est une entreprise à impact symbolise la base de la transformation de l’économie.

Nous élaborons donc les meilleures méthodes à diffuser auprès de l’ensemble des entrepreneurs français. Nous avons notamment travaillé, en lien avec plus de 30 réseaux d’entreprise, sur « l’Impact Score », un outil gratuit et en libre-accès qui permet aux sociétés de toute taille, de mesurer leurs engagements à 360°. Nous sommes en lien avec plusieurs collectivités locales qui commencent à l’utiliser comme boussole dans l’investissement et les aides publics. Nous œuvrons également auprès des parlementaires et de l’exécutif pour que cet outil soit adopté prochainement au niveau national pour inciter les entreprises à mettre en transparence leurs engagements, et orienter plus efficacement les politiques économiques de l’Etat. Nous échangeons beaucoup également avec la Commission européenne pour utiliser ce référentiel en complément et dans le prolongement de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).