Astroturfing, entre influence et manipulation à l'ère de l'e-commerce

Traduction littérale de faux-gazon, L’astroturfing, cette méthode frauduleuse qui consiste à la publication de « faux avis » sur internet s’est fortement développée en même temps que le e-commerce.  

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Avis client - devanture restaurant

« Super produit ! Livraison rapide et impeccable. Je recommande les yeux fermés ! » La critique est convaincante, mais est-elle vraie ? Diffusant des messages tout en dissimulant l’identité réelle de l’émetteur, l’astroturfing est une stratégie de communication pour le moins discutable d’un point de vue éthique. Si la pratique est utilisée dans de nombreux domaines, elle désigne, sous son acceptation marketing, la production de « faux avis » sur un produit ou service. Entre promotion artificielle de l’image de marque ou atteinte à celle de concurrents, Big média revient sur cette pratique.  

Le développement du web 2.0, qu’on appelle aussi web participatif, a profondément remanié notre usage d’internet, mais aussi notre rapport aux marques. Parmi ces conséquences, on note l’apparition d’avis clients, désormais omniprésents. Témoin de l’élan participatif qui est propre à la culture internet, la consultation préalable des avis consommateurs est devenue une quasi-norme pour l’achat de certains produits (notamment quand l’investissement qui s’en suit est conséquent). L’entreprise y trouve aussi son compte, puisque la présence d’avis positifs joue le rôle de garantie aux yeux de ses prospects. Dès lors, on comprend aisément la tentation pour certaines entreprises de s’adonner à l’astroturfing en publiant de « faux avis » sur leur site internet. En France, les « avis douteux » pourraient atteindre un taux de près de 45 % d’après la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

Une amende pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise

Référence aux mouvements contestataires, « grassroots movement » en anglais, l’astroturfing signifie littéralement « faux gazon ». Et pour cause, cette méthode a d’abord été développée par des agences de relations publiques qui faisaient passer des intérêts privés pour des revendications citoyennes. C’est Lloyd M. Bentsen, un sénateur Texan, qui emploie le terme pour la première fois en 1986. Alors que l’instance planche sur une augmentation des taxes sur les spiritueux, ce dernier reçoit un nombre anormal de courriers de prétendus citoyens qui s’opposent au projet de loi. Toutes les revendications sont en fait commanditées par la Distilled Spirits Council of the United States. Plus récemment, c’est Samsung qui s’est fait épingler pour une pratique d’astroturfing. En 2013, la firme sud-coréenne a été condamnée pour avoir eu recours à des rédacteurs taïwanais missionnés pour “critiquer” le dernier smartphone d’une firme concurrente.

La publication d’un “faux avis” est certes incomparable avec la tentative de manipulation de politique publique, mais la pratique n’en demeure pas moins illégale. À ce titre un « faux commentaire » est passible d’une amende pouvant atteindre jusqu’à 300 000 euros et deux ans d’emprisonnement. L’entreprise quant à elle risque une amende qui peut atteindre les 10% de son chiffre d’affaires. Dans le même temps, le contrôle des avis consommateurs s’intensifie avec notamment la création en 2018 d’une norme ISO attestant de l’authenticité des avis publiés. Une initiative probablement appelée à un développement rapide dans les années à venir. Pour maintenir la confiance des utilisateurs, les grands acteurs du web se prémunissent aussi contre l’astroturfing. Google a par exemple la faculté de détecter les « faux commentaires », pénalisant les sites fautifs et se réserve le droit d’engager des poursuites pénales.

Martin Ferron
Martin Ferron Rédacteur Web