A quoi ressemblera la France en 2052 ?

Céline Guivarch, ingénieure en chef des ponts, eaux et forêts et directrice de recherche au Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement, nous laisse entrevoir l’avenir de notre planète si nous parvenions à atteindre le seuil de zéro émission de CO2.  

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« Nous sommes le 6 octobre 2052, nous vivons dans un monde neutre en carbone et nous sommes en bonne voie pour stabiliser enfin le réchauffement du globe autour de 1,7 degré. Pour en arriver là, il a fallu des transformations radicales. C’est l’histoire de cette métamorphose que je voudrais vous raconter.  
Depuis 1990 et le premier rapport du GIEC, on savait que le changement climatique constituait une menace. Les actions, d’abord bien faibles, se sont accélérées au fur et à mesure que nous subissions les effets de ce dérèglement. Devant la multiplication des canicules et des inondations, les entreprises ont pris au sérieux cette menace. Elles ont fait leur bilan carbone et ont agi pour le réduire. En parallèle, les voyages en avion ont été remplacés par des déplacements en trains ou des visio-conférences. Leurs employés ne roulent plus qu’en voitures électriques ou en vélos. Ces mêmes entreprises ont également investi pour mieux isoler leurs locaux et les doter de panneaux solaires. Elles ont raccourci leur chaine logistique et ont imposé des critères environnementaux à leurs fournisseurs.  

Certains entrepreneurs visionnaires ont transformé le cœur même de leur activité pour la rendre compatible avec la neutralité carbone. En faisant cela, ils ont redonné du sens et de la motivation à leurs collaborateurs qui avaient auparavant envie de déserter les entreprises industrielles ou les grands groupes. Poussées par leurs clients, qui ne voulaient plus que leur argent finance la destruction de la biodiversité et la souffrance, les banques ont arrêté d’investir dans les énergies fossiles. Déjà en 2030, l’usage du charbon avait été divisé par trois par rapport à 2020, et celui du gaz et du pétrole réduit de 30 %.  
Les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien ont pris le relais, et nous pouvons également compter sur des mesures de sobriété pour réduire notre consommation d’énergie.  
De nombreuses activités ont périclité, celles qui n’ont pas su anticiper les transformations et les régulations. Mais en parallèle, de nombreuses entreprises ont fleuri, celles qui ont investi pour s’affranchir des énergies fossiles, celles qui ont développé les produits et services d’une société neutre en carbone. Partout, des mouvements citoyens se sont organisés, leur détermination a convaincu les élus de transformer radicalement les villes. Développement des transports en commun et des infrastructures cyclables, réhabilitation d’espaces qui avaient été abandonnés aux voitures, relocalisation des activités dans les centres-villes, amplification de la végétation…Tout cela a généré des oppositions et demandé du temps et des investissements, mais nos villes sont devenues plus vivables.  

« Mon histoire n’est pas qu’une fiction, elle s’appuie sur le consensus scientifique » 

C’est ainsi que les entreprises, les territoires et la société ont vaincu les tenants des trop petits gestes, les lobbies du délai à agir. L’Etat et les collectivités locales ont isolé tous les bâtiments publics, les hôpitaux et les écoles. Des aides importantes ont permis de financer les investissements de transformation. Les formations et reconversions professionnelles ont été accompagnées. La publicité a été régulée, tout comme les médias. Et depuis les années 2020, il est devenu anti-social de posséder un SUV ou de partir en week-end en avion.  
Nous avons aussi construit un modèle moins matérialiste avec le développement de systèmes de location, de prêt, de réparation et de seconde main. Nous avons éliminé le gaspillage alimentaire à tous les niveaux et sommes revenus à une alimentation moins carnée. Grâce à cela, les maladies cardio-vasculaires et certains cancers ont régressé et nous sommes désormais en bien meilleure santé.  
L’agriculture s’est transformée et se tourne maintenant vers l’agroécologie et l’agroforesterie. Nous avons mis fin à la déforestation et restauré les écosystèmes dégradés. Bref, en 30 ans, nous avons tout transformé : comment nous nous déplaçons, comment nous nous logeons, comment nous travaillons, nous produisons et consommons. Il a fallu du courage et des luttes collectives. Il a aussi fallu renoncer à certaines pratiques, abandonner la surconsommation, le superflu, et apprendre à faire autrement et ralentir. Mais nous avons préservé l’essentiel et assuré un avenir aux générations futures, et au passage, gagné un air plus respirable, une meilleure santé et du bien-être.  

Mon histoire n’est pas qu’une fiction, elle s’appuie sur le consensus scientifique. Aujourd'hui nous, chercheurs du climat, sommes certains de trois choses : ce sont les activités humaines qui sont responsables de l’intégralité du réchauffement global de la dernière décennie. Le niveau de température a d'ailleurs augmenté de +1,1 degré par rapport à l’ère préindustrielle et est très probablement le plus élevé que nous ayons connu depuis au moins 100 mille ans.  
Il faut remonter 2 millions d’années en arrière pour retrouver une concentration de CO2 dans notre atmosphère aussi élevée qu’aujourd’hui. Deuxièmement, chaque fraction de degré supplémentaire se traduit en canicules, sécheresses ou inondations plus intenses et plus fréquentes. Et avec elles, la probabilité de conséquences généralisées et irréversibles. Enfin, seule l’atteinte de zéro émission nette de CO2 arrêta la dégradation de la situation. Le constat scientifique est sans équivoque. Il est urgent que nous agissions pour éviter les effets les plus graves du changement climatique. Les solutions sont connues, nous avons les moyens de les mettre en œuvre, tout en assurant le bien-être de tous.  

Alors je vous le demande : quelle sera la première étape de VOTRE métamorphose ? »  

 

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