Vers une fin des promotions ? Quand les marques s'interrogent sur l'acte d'achat

Se tourner vers une consommation plus vertueuse est un désir qu’entretiennent de nombreux consommateurs. Pourtant, l’année est rythmée par les promotions. Entre pro et anti-promo, le Big média s’est posé la question des rendez-vous de consommation. Décryptage.

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Confessions d'une accro du shopping ©DR

« Les commerçants ont toujours utilisé les moindres prétextes pour faire du business », explique Olivier Dauvers, éditeur et journaliste spécialiste de la consommation. Du Black Friday, en passant par les French Days, ainsi que le Cyber Monday, les Singles Days et les soldes, l’année des Français est remplie de rendez-vous promotionnels. Alors que le monde est touché par une forte crise économique et écologique, pour le journaliste, l’être humain reste « tiraillé entre son pouvoir d’achat et son vouloir d’achat ». C’est cette tension, qui même en période de forte inflation, le pousse à consommer. « Nous sommes contraints en permanence à faire des arbitrages pour limiter au maximum la frustration. Traquer la bonne affaire devient un moyen de préserver notre capacité d'achat en étant attentif aux offres », assure Oliver Dauvers. Face à cette émergence, de nombreux professionnels s’interrogent. Le Big média est allé à la rencontre d’acteurs du secteur. 

Cela s’équilibre du côté des commerçants qui, dans un souci de profitabilité, cherchent à déclencher l’acte d’achat. Une idée qui n’est pas partagée par le collectif « Make Friday Green Again », fondé par la marque Faguo en 2019, qui a pour but de pousser les clients à consommer mieux et sans attendre les périodes de promotions comme le Black Friday. « Il faudrait qu'il n'y ait plus de promotions, si ce n'est celles des soldes, avec la justesse de les faire seulement sur des résidus, c'est-à-dire ne pas en faire son business », explique Nicolas Rohr, co-fondateur de Faguo, une marque de mode éco-responsable.

« Participer au Black Friday, c’est tromper les gens »

Aujourd’hui réunissant plus de 1 300 marques de tout horizon, le collectif « Make Friday Green Again » est né de la volonté de Nicolas Rohr et Frédéric Mugnier, les fondateurs de Faguo, de montrer que la surconsommation n’est pas viable. « Participer au Black Friday, c’est tromper les gens dans le sens où c’est totalement illogique. Un jour, un manteau sera à 250 euros, le jour-J il sera à 100 et le lendemain il sera de retour à 250 », défend Nicolas Rohr. Pour réunir toutes ces marques, Faguo a entrepris une campagne de communication en proposant de les rejoindre autour d'une charte graphique et d'un message commun. « Notre voix seule était faible alors, en 2019, nous avons établi un message clé et proposé à de nombreuses marques de nous rejoindre pour montrer un front uni face à la surconsommation », raconte le co-fondateur. Alors que les chiffres du Black Friday 2022 montrent une légère baisse de participation, (70 % contre 75 % en 2019) Olivier Dauvers, éditeur et journaliste, rappelle que du côté des entreprises, « 99 % d’entre elles participent au Black Friday contre seulement 1 % qui ne le font pas ». Bien que de nombreuses marques soient présentes à ces rendez-vous promotionnels, une étude menée par l’Agence de la transition écologique (ADEME), parue le 6 octobre dernier démontre que « 76 % des répondants déclarent se mobiliser en faveur de la consommation responsable. » 
 
Pour tendre vers cette consommation plus vertueuse, les enseignes mettent en place des espaces de vente de produits d'occasion ou de location. C’est le cas de la marque Ami qui, en mars 2022, a lancé Ami For Ever, une plateforme digitale qui permet de dénicher des articles de seconde main de l’enseigne. On peut aussi citer l'enseigne Décathlon qui propose depuis l’été 2022 une solution de location de matériels et de vêtements. Cette multiplication des plateformes de seconde main, développées directement par les marques, s’explique par une prise de conscience globale des enjeux écologiques mais aussi par l'augmentation des prix des articles neufs. C'est pourquoi les enseignes se lancent sur ce marché afin de capitaliser au mieux sur leurs produit garantissant ainsi une qualité de produits et un maintien du savoir-faire. La location quant à elle permet aux consommateurs de profiter de matériel neuf sans ne se soucier ni de l'achat ni de l'entretient ou de l'assurance de ce dernier.

Inciter à mieux consommer

« La consommation est une problématique environnementale par le simple fait qu'elle utilise des ressources », détaille le spécialiste. Mais celui-ci défend l'idée qu’on ne peut pas obliger les Français à consommer mieux, sans rentrer dans une forme de « totalitarisme consumériste ». Selon lui, il faut imaginer de nouvelles formes de communication afin d’accélérer la transition. « Il est indispensable de faire prendre conscience aux consommateurs des externalités de leur consommation et cela passe par la pédagogie et non l’interdiction », assure le journaliste. Nicolas Rohr, le co-fondateur de Faguo, apporte plus de nuances. « Il faut que les clients se rendent compte qu’il n'est pas nécessaire d’attendre les périodes de promotion pour consommer. On doit acheter lorsqu'on en a besoin. Il est important de légiférer pour éviter les promotions à tout va ». 
 
Le juste milieu s'incarnerait-il dans une consommation plus raisonnée ? « La consommation va dans la bonne direction, le problème, c'est qu'elle ne va pas suffisamment vite », assure Oliver Dauvers. Il prend l’exemple de la bouteille d’eau en plastique de la marque Cristalline qui, en quinze ans, est passée de 42 à 20 grammes de plastique. Une preuve, pour l’expert en consommation, que de nombreuses marques essayent d’être moins polluantes et de respecter l’environnement.  
 
 
Pour tendre vers une consommation plus vertueuse, le consommateur devra décider de lui-même de changer ses habitudes. Olivier Dauvers propose pour cela la mise en place d’un scoring, comme ceux que l’on peut retrouver sur nos produits de grande consommation, généralisables à tous types de produits : des vêtements à la nourriture en passant par le matériel high-tech « Vous ne pouvez pas reprocher à un consommateur de ne pas agir comme vous le souhaitez, si vous ne lui donnez pas les leviers pour qu'il puisse savoir et comprendre au mieux sa consommation », assure le journaliste. « Il faut lui donner les clés, peut-être en imaginant un système de crédit carbone, qui l’alerte lorsqu’il a dépassé celui-ci, lui permettant de prendre conscience de sa consommation. Ainsi présenté, c’est une utopie mais l’époque a besoin d’utopies », conclut Oliver Dauvers.