Regard d’un trader sur l’impact des cryptomonnaies dans le secteur bancaire

Retour sur l’impact des cryptomonnaies dans le secteur bancaire et sur l’adaptation des traders à cette monnaie issue de la technologie de blockchain. 

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« J’ai choisi de travailler dans le secteur des cryptomonnaies car je crois énormément en la technologie sous-jacente que sont les blockchains. Pour moi, ce qu’internet a fait à l’information, les solutions de blockchain le feront à la valeur » affirme Louis Simon, day trader. 
Si la technologie de blockchain a bouleversé les secteurs de l’assurance, la logistique, l’agro-alimentaire ou encore l’énergie, elle a également profondément modifié les métiers de la banque, notamment celui des traders. De nouveaux process que Louis Simon, day trader, nous fait découvrir. 

Bpifrance : En tant que trader, quel regard portez-vous sur les cryptomonnaies ? 

LS : Je vois les cryptomonnaies comme une classe d’actifs risqués, comme pourraient l’être des produits structurés avec un gros effet de levier. 
Ce n’est un secret pour personne, ce sont des actifs extrêmement volatils, donc on peut tout gagner comme tout perdre, du jour au lendemain. Cependant, dans le cadre d’un investissement à long terme, dans lequel on ne s’intéresse pas aux fluctuations du marché, les cryptomonnaies représentent un investissement très intéressant. 

Bpifrance : Pour vous, c’est une solution à long terme ? 

LS : Les cryptomonnaies, et surtout la technologie qui se cache dernière, permettent de résoudre beaucoup d’inefficacité dans le système actuel. 
Traditionnellement, quand on paye avec sa carte bancaire, Visa par exemple, c’est dans un premier temps Visa qui paye, et qui ira ensuite chercher l’argent dans votre banque. En général, ce process prend un à deux jours selon la convention actuelle. Deux jours d’attente qui sont une aberration par rapport au monde dans lequel nous vivons. Avec les cryptomonnaies, tout est instantané ! 

Bpifrance : Le process est-il différent quand on travaille avec des cryptomonnaies ? 

LS : Oui car se sont de nouveaux actifs qui, à la différence des actifs traditionnels, sont fortement influencés par d’autres facteurs. Quand on fait du trading de cryptomonnaies, on est perpétuellement confronté à des mouvements qui n’ont pas forcément de sens. Parfois un actif prend de la valeur simplement parce qu’il a été « upvoté » (ndlr : plébiscité) sur Reddit (plateforme communautaire américaine). Je pense notamment au Dogecoin. Fondamentalement, cet actif n’a aucune valeur - tout est parti d’une blague pour parodier le Bitcoin - pourtant, dès le premier mois, le site Dogecoin a attiré plus d’un million de visiteurs. Le cours de la monnaie s’était alors envolé, passant de 0,00026$ à 0,00095$, avant de retomber brutalement peu après. C’est un bon exemple du quotidien d’un trader en cryptomonnaie !

Bpifrance : Justement, quel est le danger quand on trade des cryptomonnaies ?

LS : Sur ces dix dernières années, le Bitcoin est l’actif le plus rentable qu’on a jamais connu, et ce malgré un niveau de risque très élevé. La première transaction Bitcoin, c’était deux pizzas contre 20 000 Bitcoins. Aujourd’hui, je peux vous assurer que celui qui a ces 20 000 jetons ne fait plus de pizza !

Cet engouement autour du Bitcoin a donc nécessairement fait des envieux ! Ces dernières années, on a vu apparaitre pas mal de nouvelles cryptomonnaies, dont un grand nombre sont en réalité des arnaques. De plus, il n’y a pas encore de vraie régulation sur le marché. Bon nombre de cryptomonnaies ne disposent pas de liquidité, ce qui encourage les gens à se retrouver sur Telegram notamment pour faire du « pump and dump » (une technique de manipulation de marché qui consiste à faire monter artificiellement le prix d'une action par des déclarations mensongères, dans le but de revendre ces actions, achetées à bas prix, avec une forte plus-value).
Donc oui, les cryptomonnaies c’est rentable, mais il ne faut pas oublier que c’est aussi beaucoup le « Far West » !

Bpifrance : Le Salvador a récemment adopté le Bitcoin comme monnaie légale, pensez-vous qu'un jour il y aura des cryptomonnaies nationales ?

LS : Effectivement, je pense qu’à terme toutes les institutions devront considérer les cryptomonnaies. D’ailleurs la Banque Centrale Européenne a un projet dans ce sens, et PayPal a récemment annoncé qu’il autoriserait prochainement le paiement par cryptomonnaie. 

Au final, l’argent que tout un chacun possède, ce ne sont pas des pièces, ce sont des chiffres stockés dans un serveur. De fait, on est déjà sur le chemin d’une digitalisation totale de la monnaie. Donc à terme, je pense effectivement qu’on va voir se développer le « dollar digital » ou « l’euro digital ».  

Bpifrance : Vous pensez que les banques devraient repenser leur modèle ? 

LS : La technologie de blockchain va profondément modifier tous les métiers de la banque. D’ailleurs, les premiers utilisateurs évidents de blockchain sont les banques. 
Malgré tout, je pense que les institutions financières, qui ne sont pas forcément très fan du Bitcoin, vont encore faire un peu de résistance, notamment via leur pouvoir de lobbying. 

Pourtant, des Américains tels que JP Morgan ou Goldman Sachs commencent petit à petit à avoir des desks de trading de cryptomonnaies car ils ont bien évidemment identifié le potentiel de rentabilité.

Bpifrance : Demain, le métier de trader ne sera-t-il qu’un métier lié à la cryptomonnaie ?

LS : Le métier à déjà énormément évolué ces 20 dernières années. L’apparition du trading à haute fréquence ainsi que la prise de pouvoir la prise de pouvoir des traders quantitatifs, notamment dans les banques d’investissement, via le trading algorithmique a beaucoup réduit les marges des traders traditionnels. 
Mais à terme je pense qu’il y aura toujours du trading d’actions, il sera simplement beaucoup plus automatisé. 

mélanie
Mélanie Bruxer Rédactrice web