Recyclage des batteries : au nom de la souveraineté industrielle

Alors que les ventes de véhicules électriques (VE) explosent, la question de l’accès aux métaux stratégiques n’a jamais été aussi brûlante. Depuis 2021, plusieurs industriels français investissent pour faire éclore une filière de recyclage de batteries ambitieuse.  

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recyclage batteries

Quand indépendance rime avec recyclage. Si les projets de gigafactories se précisent notamment sous la houlette de Verkor ou ACC, un autre sujet agite le secteur des véhicules électriques (VE) : le recyclage des batteries lithium-ion. Début 2022, le rapport Varin tirait la sonnette d’alarme en réaffirmant l’importance pour la France de réduire sa dépendance aux métaux stratégiques. L’enjeu de souveraineté est posé, et pour cause : près de 95 % de ces métaux sont aujourd’hui importés. La guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie n’ont fait qu’exacerber un peu plus la question, sans compter que l’Union européenne, transition écologique oblige, envisage d’instaurer une obligation d’incorporation de métaux recyclés (4 % pour le nickel; 85 % pour le plomb) dans les futures batteries fabriquées sur son sol.  

Circuit court pour recyclage performant 

« Les gigafactories vont avoir besoin de volumes importants de matières, il est donc primordial de développer sans tarder une filière d’approvisionnement en circuit court, avec des acteurs de référence en Europe », estime Massimiliano Picciani, responsable sectoriel écotechnologies-bas carbone chez Bpifrance. Et circuit court signifie recyclage performant. Lithium, cobalt, nickel, manganèse, graphite, terres rares… « La transition écologique dépend d'un contrôle sur ces matières premières et nécessite de sortir de la dépendance extrême à la Chine ou à des pays instables, explique Massimiliano Picciani. Tout le sujet consiste à ne surtout pas reproduire le scénario pétrole ». 

Et cela passe notamment par une captation des métaux et matières premières contenues dans les batteries arrivant en fin de vie. Le recyclage ne pourra pas tout « mais il devrait couvrir, à terme, 40 % des besoins en métaux critiques et terres rares », estime l’expert de Bpifrance. Il faudra cependant attendre 10 à 15 ans avant que les batteries de la première vague de VE n’arrivent en fin de vie et qu’une véritable économie circulaire d’ampleur s’enclenche. 

Pour autant, c’est dès à présent qu’il faut agir et les industriels l’ont bien compris. Les projets fleurissent : en France, Eramet s’est associé avec Suez et BASF, et Veolia s’est rapproché de Solvay et Renault. On trouve également Orano et son projet pilote Recyvabat, consortium monté avec le CEA, Saft, Paprec ou encore MTB Manufacturing. L’industriel va investir dans un premier temps 22 millions d'euros sur trois ans, dont plus de 6 millions d'euros issus du plan France Relance, pour industrialiser une technologie de rupture créée avec le CEA. 

Recyvabat, projet pilote pour le recyclage et la valorisation des batteries 

Mais pourquoi Orano (ex-Areva), grand spécialiste de l’uranium, se positionne-t-il sur le recyclage des batteries ? « Le groupe a développé de nouvelles activités dans le cadre de la transition énergétique, notamment vers les mobilités, explique Justo Garcia, coordinateur du projet Recyvabat. Or, le recyclage des batteries réunissait bon nombre de nos expertises historiques : extraction, hydrométallurgie, sécurité, transport… » En s’associant avec le CEA-Liten, le groupe a trouvé les compétences qui lui manquaient afin de créer « un procédé de recyclage innovant, sûr, à plus faible impact carbone et sans pyrométallurgie », affirme Justo Garcia. Celui-ci serait aussi plus efficace, « car il permet d'extraire davantage de métaux, avec des taux de pureté plus élevés ». Le taux de récupération de matière grimperait, par exemple, à 95 % pour le cobalt. 

Actuellement au stade de pilote sur le site de Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), Recyvabat traitera une tonne par jour dès 2023. La matière récupérée sera envoyée au CEA qui en fera des précurseurs et matériaux de cathodes, que Saft testera sur des nouvelles batteries. Paprec se chargera quant à lui de la collecte et du démantèlement en amont, et MTB Manufacturing fournira des équipements pour le tri. Si tout se passe comme prévu, la première unité de prétraitement pourrait entrer en service en 2025, on en comptera ensuite entre 8 et 12 d’ici 2035 (répartis sur tout le territoire dans une logique circulaire) ainsi qu’une ou deux unités d’hydrométallurgie. Orano espère à cet horizon traiter les batteries usagées d’environ 200 000 véhicules, soit 20 % du marché européen. 

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