Logistique verte : un défi pour l’Etat, les entreprises et les consommateurs

Les Français sont de plus en plus nombreux à acheter des produits en ligne. Jérôme Libeskind, expert en logistique urbaine, présente les principaux leviers à activer pour assurer une logistique et des services de livraison en adéquation avec les enjeux environnementaux liés au e-commerce. 

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logistique verte

En 2021, le mode de livraison favori des e-acheteurs en France reste la livraison à domicile, utilisé par 80 % d’entre eux. Face à cet enjeu, les entreprises du secteur et les consommateurs ont un rôle à jouer pour que ces flux soient en accord avec les enjeux écologiques. « Il y a différentes orientations à suivre pour la rendre plus durable », assure Jérôme Libeskind, fondateur de Logicités, une société de conseil en logistique urbaine et auteur de l’ouvrage Si la logistique m’était contée

Les leviers pour développer la logistique verte

Le 28 juillet 2021, 14 grandes enseignes du commerce en ligne s’engagent en faveur d’un e-commerce plus durable et signent avec le gouvernement et la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) la « Charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne » comportant des engagements relatifs à l’information du consommateur, aux emballages, aux entrepôts et à la livraison. Le 15 mars 2022, 18 nouvelles entreprises rejoignent cette dynamique et signent la charte. « C’est une avancée positive. C’est la première fois que les e-commerçants décident d’agir pour réduire leur impact sur l’environnement ». Pour Jérôme Libeskind, des actions efficaces peuvent être menées rapidement. En réduisant les livraisons de quick commerce, qui arrive entre 10 et 20 minutes, cela permettrait d’éviter des embouteillages de scooters et donc de réduire l’empreinte carbone. « La livraison la plus verte est la plus lente ». Pour l’expert, une autre solution pour limiter les flux serait de partager les moyens de transport des personnes avec ceux consacrés aux marchandises.

Le choix du lieu de livraison peut aussi être une mesure efficace pour décarboner le secteur. « Recevoir un colis à domicile a un gros impact parce qu’on livre des petites quantités à différents endroits, ce qui multiplie les flux ». Selon une étude du CapGemini Research Institute, le dernier kilomètre représente en moyenne 41 % du coût total de la supply chain dans le cadre d'une livraison à domicile. La demande croissante liée au commerce électronique entraînera une augmentation de 36 % des véhicules de livraison dans les centres-villes d’ici 2030, générant une augmentation des émissions et de la congestion du trafic. Si Jérôme Libeskind ne souhaite pas mettre un terme à la livraison à domicile, il insiste sur l’effet positif du retrait en point relais, pour rassembler les colis en un seul endroit. En plus d'être une des solutions les moins chères pour l'ensemble de la chaîne, la livraison groupée limite fortement le nombre de camions sur les routes. Mais cette pratique a ses limites « si vous devez vous faire livrer un réfrigérateur, par exemple », plaisante le fondateur de Logicités.

Des actions à mener à l’échelle des différents acteurs

Citoyens, entreprises et Etats sont tous concernés et doivent agir pour rendre la logistique plus verte. Au-delà de la charte cosignée par des sociétés du secteur et le gouvernement, le pouvoir législatif se penche de plus en plus sur le sujet. « Il n’y a jamais eu autant d’actions de l’Etat. J’ai été auditionné pour la première fois par le Sénat, qui a établi un rapport sur la logistique urbaine », souligne Jérôme Libeskind. En 2021, la Chambre haute a mis au point une mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux. L’objectif est de proposer des pistes d’action pour accélérer la transition écologique du transport de marchandises et réduire son impact environnemental. « La première solution, on l’évacue tout le temps, est dans l’urbanisme. Il faut limiter l’étalement urbain qui est une catastrophe sur le plan logistique. On étend des territoires sur des kilomètres, qui sont très impactant à livrer. »

Les entreprises ont elles aussi entamé leur transition à travers des flottes électriques et en diversifiant les possibilités de livraison. A titre d’exemple, le groupe DHL s'est fixé comme cap 90 % de véhicules « zéro émission » dès 2026. Pour y parvenir, il déploie différentes solutions : véhicules électriques, livraisons à vélo et triporteurs, et même livraisons à pied en ultra-proximité. « C’est une bonne chose que les entreprises agissent, mais la décarbonation des flottes représente la partie visible de l’iceberg. Le gros sujet est de consolider les flux. Si on peut regrouper et livrer de façon décarbonée, c’est mieux », précise Jérôme Libeskind.

Pour inciter un peu plus le secteur à se verdir, les citoyens ont eux aussi un rôle à jouer. Selon l’expert en logistique : « Les entreprises feront ce que le consommateur demande. Il faut donc l’éduquer. L’idée n’est pas de lui dire d’arrêter de consommer, mais de lui expliquer les impacts logistiques et environnementaux de ses décisions d’achat et lesquelles sont les plus pertinentes ». L’une des mesures les plus efficaces est de vérifier la provenance des produits pour ainsi limiter leur impact lors de la livraison.