Et si la publicité avait un rôle à jouer dans la transition écologique ?

La publicité guide nos comportements de consommation au quotidien. Pour Géraud Guibert, conseiller maître à la Cour des comptes, président de la Fabrique Ecologique et co-auteur d’un rapport officiel sur la publicité et la transition énergétique et écologique (TEE), il est indispensable que l’activité publicitaire devienne plus compatible avec les nouvelles exigences climatiques et écologiques.

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« Nous sommes allés à Bruxelles parler de notre mission et de nos travaux, la France est précurseur sur ce sujet » affirme Géraud Guibert. Le rapport sur la publicité et la TEE commandé par le ministère de la Transition écologique et publié en 2020 revient sur le rôle de la publicité et son impact sur le climat. Il concerne la publicité télévisée, sur internet et l’affichage. En France comme ailleurs, la TEE passe par le développement des technologies propres pour mettre en place des investissements responsables. Mais cela ne suffira pas. Il est important que toute société se mobilise pour la sobriété et la lutte contre le gaspillage.

L’abondance de messages publicitaires ne vient-elle pas contrecarrer les efforts pour amener une réelle transition vers une société plus sobre et neutre en carbone ? C’est la question à laquelle ont essayé de répondre dans leur rapport Géraud Guibert, président de la Fabrique Ecologique, Think Tank qui a pour objectif de promouvoir le développement durable, et Thierry Libaert, expert français en communication des organisations.

« On s’est d’abord demandé s’il fallait interdire la publicité »

« C’est la première fois en Europe qu’est publié un rapport officiel à ce sujet. C’est un signe supplémentaire qu’il s’agit d’un sujet important pour nos citoyens », souligne le président de la Fabrique Ecologique. Le rapport dénonce le rôle incitatif de la publicité qui encourage les comportements de surconsommation en jouant sur l’imaginaire et l’inconscient des gens. « On s’en sortira uniquement si on arrive à ce que les gens consomment plus propre et diminuent la surconsommation et le gaspillage », explique Géraud Guibert.

Pour répondre aux objectifs de la TEE, le rapport dresse des propositions qu'il juge pragmatiques et concrètes. « On s’est d’abord demandé s’il fallait interdire la publicité pour les produits polluants », confie Géraud Guibert. « Mais on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de logique à une telle disposition pour des produits qui resteraient en vente libre ». Moins radical, le rapport propose ainsi d’interdire uniquement la promotion des produits ayant vocation à disparaitre en raison de leur impact environnemental. Les véhicules à moteur thermique seront par exemple interdits à échéance 2035, comme le plastique à usage unique en 2040. Le législateur pourrait donc en interdire la publicité quelques années avant. « Pour les produits autorisés, nos recommandations consistent à privilégier l’information du consommateur sur l’impact écologique et climatique du produit », précise l’auteur.

Une nouvelle façon d’aborder la publicité

La transformation des modes de consommation représente un levier structurel essentiel de la TEE pour lequel la publicité peut jouer un rôle majeur Aujourd’hui encore, les publicités de voitures présentent un seul passager par véhicule. Pour les auteurs du rapport, il est nécessaire de réguler le contenu publicitaire afin qu’il ne véhicule plus de stéréotype dangereux pour le climat. « L’information est utile mais on ne peut plus s’en satisfaire. On a besoin de dispositifs d’orientation de la consommation d’une part et de régulation de la publicité d’autre part », affirme l’auteur.

Le pouvoir persuasif de la publicité doit être utilisé à bon escient afin d’encourager l’achat de produits propres et de changer nos modes de consommation. A ce titre, Géraud Guibert souligne la nécessité d’identifier systématiquement comme de la publicité le contenu des influenceurs sur les réseaux sociaux afin qu’il soit surveillé et régulé par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Jusqu’à présent, un influenceur peut promouvoir sans encadrement ni restriction des produits néfastes pour l’environnement.

Réguler, sans freiner l'autonomie créative des publicitaires

Si la loi Climat et Résilience a bel et bien entraîné certaines avancées, par exemple sur la régulation de l’affichage et de la pollution lumineuse, « la logique générale de notre rapport ne se retrouve pas encore pleinement dans les réformes. Le dossier reste ouvert ! », reconnait Géraud Guibert. En revanche, des initiatives intéressantes sont prises directement au niveau des entreprises. L’association Entreprises pour l’environnement, qui regroupe la plupart des sociétés du CAC40, a par exemple étudié les stéréotypes climatiques et accompagne les entreprises pour réguler leurs pratiques. Son objectif est aussi d’éviter à tout prix le green washing. 

Malgré les avancées, certains publicitaires restent réticents vis-à-vis de ces réformes. Ils craignent une diminution du volume de publicité et donc de leur chiffre d’affaires. Ils redoutent également que leur créativité soit bridée par des normes et des directives. Pour Géraud Guibert, au contraire, la publicité gagnerait à être d’avantage compatible avec la transition écologique. « Nous savons que le milieu de la publicité est très attaché à son autonomie créative et cette caractéristique est bien prise en compte dans le rapport, le but est d’avancer en concertation avec toutes les parties prenantes », précise l’auteur.