Demain : les grandes tendances de l'innovation

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Demain : captage, stockage et valorisation du CO2

Pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris, les secteurs de l’énergie et de l’industrie doivent se transformer en profondeur. Les solutions de captage, de stockage et de valorisation du CO2 s’imposeront-elles comme les clés pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ? Réponses.

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« Demain, on ne considèrera plus simplement le CO2 comme un déchet, mais aussi comme une matière première qu'on cherchera à valoriser dans le cadre d'une économie circulaire ». C’est la conviction de Julien Geffroy, chargé de mission auprès du directeur général adjoint de Bpifrance, après plusieurs mois de travail sur le sujet dans le cadre du projet « Demain »*. Aujourd’hui, il casse les idées reçues sur les solutions de captage, de stockage géologique et de valorisation du CO2.

Captage, stockage et valorisation du CO2 : des solutions incontournables à long terme

Idée reçue n°1 : Le captage et le stockage géologique du CO2 sont des technologies matures.
 
Vrai : Il s'agit de technologies anciennes et matures. Le captage et la séparation du CO2 sont mis en œuvre depuis des décennies dans l'industrie, tandis que le transport et l'injection dans le sous-sol est pratiqué depuis les années 1970 pour la récupération assistée du pétrole.
« Cette filière est encore balbutiante », complète Julien Geffroy. « Il n'existe aujourd'hui que 19 installations opérationnelles dans le monde qui captent environ 33 millions de tonnes de CO2 annuellement, soit 0,1 % des émissions annuelles directes de CO2 ».
 
Idée reçue n°2 : Demain, nous vivrons avec du C02 stocké sous nos pieds.

Vrai et faux : Le stockage géologique est possible à l'échelle industrielle dans une petite dizaine de pays dans le monde, que ce soit dans des gisements de pétrole ou de gaz déplétés ou dans les aquifères salins profonds (ndlr : des roches géologiques qui contiennent de l'eau salée impropre à la consommation).

Le stockage géologique soulève des questions d'ordre réglementaire sur sa responsabilité à long terme, et des questions d'acceptabilité sociale, qui renvoient à la perception par les populations de la sécurité de ce stockage. « On a eu des exemples récents en Europe, en Allemagne et aux Pays-Bas, de projets qui ont été abandonnés du fait de la pression des populations locales », explique l’expert Bpifrance avant d’ajouter : « Nous sommes convaincus qu'en Europe de l'ouest, le stockage géologique se fera principalement offshore, sous le plancher océanique, et plus précisément autour du hub de la mer du Nord, où les principaux pays leaders européens, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, opèrent d'ores et déjà des installations ou ont des projets en gestation ».
 
Idée reçue n°3 : Aujourd'hui, la valorisation commerciale du CO2 est déjà une réalité.
 
Vrai : Il s'agit d'un marché mondial d'environ 230 millions de tonnes de CO2 annuellement, avec comme débouchés principaux le secteur des engrais, celui de l'énergie - avec la récupération assistée du pétrole -, et d'autres usages variés comme par exemple la gazéification des boissons.
 
En parallèle, de nouvelles voies de valorisation émergent. « On va ainsi venir transformer le CO2 chimiquement ou biologiquement pour créer et fabriquer de nouveaux produits », affirme Julien Geffroy. Parmi ces voies de valorisation, on peut citer les carburants synthétiques, les matériaux de construction ou la filière du plastique. Cependant, « s’il s’agit à priori de marchés avec un fort potentiel, ils sont encore très difficiles à quantifier et à cerner, car encore largement au stade de la R&D », poursuit l’expert.
 
Idée reçue n°4 : Les bénéfices climatiques associés à la valorisation du CO2 sont incertains.
 
Vrai : La valorisation du CO2 ne garantit pas nécessairement la réduction des émissions. Les bénéfices climatiques ou environnementaux associés à ces produits restent à démontrer.

Plusieurs critères doivent être pris en compte, notamment la quantité et l'origine de l'énergie utilisée pour transformer ce CO2 ainsi que la durée de séquestration du CO2 dans le produit. « L’usage du produit peut conduire à une nouvelle émission rapide ou au contraire lente du CO2 dans l'atmosphère. Elle sera rapide dans le cas des carburants synthétiques et longue dans le cas de la valorisation sous la forme de matériaux de construction », explique Julien Geffroy.

Idée reçue n°5 : Ces technologies de stockage et de valorisation du CO2 vont permettre de réduire drastiquement les émissions dans les secteurs de l'énergie et de l'industrie.
 
Faux : Malheureusement, ces technologies ne seront pas les solutions miracles qui permettront de décarboner nos économies de façon substantielle à l'horizon 2050.
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Les verrous pour un développement massif dans un laps de temps si court sont trop nombreux : économiques, réglementaires, techniques, sociétaux. « Si ces technologies nous semblent incontournables à plus long terme, une fois les conditions de leur développement massif réunies, d'autres leviers de décarbonation doivent impérativement déployés pour atteindre l'objectif de neutralité carbone à horizon 2050 », conclut l’expert.

 

 
*Portée par Bpifrance, Demain est une démarche collective de réflexion sur neuf enjeux majeurs, autour de l'économie et de l'industrie, et vise à préparer les entreprises aux révolutions en cours.