Crise agricole en Egypte : et si les PME françaises avaient la solution ?

Lors d’une récente mission Explore & Match opérée par Bpifrance aux côtés de Business France et Crédit Agricole Corporate & Investment Bank, treize entreprises françaises de la filière agricole ont eu l’occasion de présenter leurs solutions à leurs homologues égyptiens. L’occasion de revenir sur ce secteur en pleine crise en Egypte avec Catherine Dorgnac, responsable de zone Moyen-Orient, Turquie et Asie Centrale chez Bpifrance.
 

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Plus grand importateur de blé au monde et dépendant à hauteur de 85 % de la Russie et de l’Ukraine pour s’approvisionner, l’Egypte est une victime collatérale du conflit qui fait rage aux portes de l’Europe. Le prix des matières premières a atteint des sommets sans commune mesure avec ceux de 2011, qui a pourtant enflammé le Moyen-Orient lors des épisodes des Printemps arabes. Cette situation préoccupante pousse l’Egypte à chercher de nouvelles voies pour moderniser son secteur agricole. « Les PME françaises peuvent tirer parti de l’excellente relation bilatérale entre nos deux nations et du soutien de banques de l’export, telles que Bpifrance, pour proposer des solutions qui permettront au pays de relever ce défi », atteste Catherine Dorgnac, responsable de zone Moyen-Orient, Turquie et Asie Centrale chez Bpifrance.

Un secteur agricole structurellement à bout de souffle

Avec 100 millions de bouches à nourrir, la performance du secteur agricole égyptien est un enjeu stratégique pour les autorités du pays. Or, cette crise des matières premières a mis en exergue les faiblesses structurelles du système. Le pays est aujourd’hui autosuffisant en ce qui concerne certaines filières telles que l’aviculture ou l’industrie laitière, voire fortement exportatrice pour ce qui est des fruits et légumes. Il reste malgré tout trop dépendant des importations de céréales et d’oléagineux, qui plus est de territoires aujourd’hui en guerre, comme l’Ouzbékistan et la Russie.

Le défi de l’Egypte est triple, selon Catherine Dorgnac : « Le premier est de palier sa trop grande dépendance d’approvisionnements en produits de base sur le marché mondial, en particulier en blé, légumineuses et huiles ». Il convient également de trouver des solutions pour accroitre la productivité agricole, en particulier via la gestion de ses ressources hydriques : à ce jour seules 15 % des terres égyptiennes sont cultivables, très majoritairement le long du Nil. Enfin, la qualité des rendements devient impérative afin de prémunir l’économie égyptienne d’importations de denrées déjà produits sur son sol.

Une relation forte avec la France, champion européen de l’agroalimentaire

« Aujourd’hui, la relation bilatérale entre la France et l’Egypte est excellente », insiste la responsable de zone basée à Dubaï. Avec 200 filiales françaises dans le pays et 2,7 milliards d’euros d’échanges en 2021, les entreprises hexagonales ont su tirer profit de la lune de miel Macron-Sissi, débutée à l’hiver 2020. En plus d’une riche coopération dans le domaine de la défense, les principaux acteurs français du secteur des transports, tels qu’Alstom, RATP Dev ou Colas Rail sont présents sur les appels d’offres structurants. Les nombreux mégaprojets en cours, tels que le métro du Caire, le projet de LGV Hurgada-Louxor et Le Caire Abou Simbel, ou la construction de la Nouvelle Capitale, créent d’ailleurs déjà un appel d’air pour des sous-traitants et PME françaises. « Les grands ensembliers égyptiens tels que Hassan Allam, El Sewedy ou Orascom cherchent de plus en plus à nouer des partenariats avec des entreprises françaises, notamment pour répondre à des appels d’offres en Afrique subsaharienne. »

Cette situation avantageuse ouvre des portes au savoir-faire français en matière d’agriculture et d’agroalimentaire. « Malgré les difficultés actuelles du secteur, la France conserve une incontestable position de leader en Europe, avec une production supérieure de 15 milliards d'euros à celle de l'Allemagne et l'Italie, ses premiers concurrents », illustre la responsable de zone. L’Hexagone tient en effet la première place du podium concernant les productions végétales (18 % de la valeur des productions européennes) et les productions animales (15 %). « Cette performance est liée à un savoir-faire technique et technologique reconnu », avance Catherine Dorgnac. Depuis 2021, un appel interministériel, lancé par Julien Denormandie et Cédric O, alors respectivement ministres de l’agriculture et de la transition numérique, ont par ailleurs lancé un grand chantier visant à allier excellence agricole et French Tech, en lançant le label French AgriTech qui consacre 200 millions d'euros d'investissements sur 5 ans pour des projets innovants dans ce domaine.

Les PME de l’agro-tech française : une partie de la solution en Egypte ?

En France, le secteur a la spécificité de voir son savoir-faire ancré au niveau local : 98 % des acteurs des filières agricole et agroalimentaire français sont des PME et TPE. 24 % du chiffre d’affaires de l’industrie alimentaire est réalisé à l’export ce qui fait du secteur le 3e plus grand contributeur à la balance commerciale française. Des géants du secteur sont déjà présents en Egypte. C’est le cas d’Invivo, premier groupe coopératif agricole français, ou du Groupe Soufflet, premier collecteur privé de céréales en Europe et racheté en début d’année par le susnommé. « Malgré cela, les PME françaises, qui détiennent les savoirs technologiques et industriels de pointe, ont un boulevard pour déployer leurs innovations sur le territoire égyptien », encourage la responsable de zone.

« Ouvrir la voie, c’est justement ce qui a été fait avec l’organisation du 11 au 15 septembre d’une mission de prospection du secteur de l’AgroTech en Egypte. Treize entreprises françaises clientes de Bpifrance et du Crédit Agricole ont participé à ce programme ». Organisé aux côtés de Business France également, la mission a conduit Quercy Réfrigération, Telaqua, M2i, Europe Service Industrie, Dosatron International, Tecnoma, HSDI, Solcera, Filclair, Fertiléo, Otech, Angibaud et Lexagri au Caire et dans le delta du Nil. Ces sociétés ont été sélectionnées sur des critères stricts d’innovation technologique, de capacité à l’export vers le territoire égyptien et de solidité financière. Lors de ce déplacement, un fort intérêt pour l’équipement et les solutions au stress hydrique imminent auquel l’Egypte fait face a été relevé.

« Pour faire le lien entre le savoir-faire technologique des PME françaises et les besoins urgents de l’Egypte dans ce domaine, le rôle de Bpifrance, la banque de promotion du commerce extérieur français, est crucial ». Au-delà de financer, Bpifrance dé-risque l’aventure pour les PME, les forme et les encourage, en démocratisant des outils de financement structurés complexes et coûteux, jusqu’alors réservés aux grands groupes, mais qui fournissent un avantage comparatif certain. « Il s’agit alors d’allier le savoir-faire industriel avec la créativité technique d’une banque dont le métier est justement d’encourager la prise de risque. C’est cette brique financière qui pourra demain permettre aux PME françaises de mieux répondre aux défis auquel nos voisins de l’autre rive de la Méditerranée font face aujourd’hui », conclut Catherine Dorgnac.

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