Ces jeunes pousses qui parient sur le solaire « made in France »

Sur un marché largement dominé par les fabricants de panneaux photovoltaïques chinois, plusieurs pépites participent au développement d’une filière hexagonale innovante. Une question de souveraineté énergétique ainsi que de nécessité de se positionner sur la production de cette énergie renouvelable en plein boom.

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panneaux solaire

Les chiffres sont édifiants : à lui seul, l’empire du Milieu pèse pour 80 % de la production mondiale des panneaux solaires, voire 95 % pour certains composants tel le polysilicium, et abrite les dix plus gros fournisseurs de la planète. C’est le constat dressé l’an dernier par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport (« Solar PV Global Supply Chain ») dédié aux chaînes d’approvisionnement mondiales dans le domaine de l’industrie photovoltaïque. Une forte concentration ayant pour conséquence de rendre plus vulnérable l’approvisionnement en équipements solaires dans nombre de pays. Ce qui n’est pas sans poser des défis à la transition énergétique, puisque « remplir les objectifs climatiques et énergétiques internationaux requiert un niveau de déploiement de panneaux photovoltaïques sans précédent, ce qui à son tour exige une expansion majeure des capacités de production », relève l’étude.  

D’autant que, depuis la crise ukrainienne et la hausse vertigineuse des prix des énergies fossiles importées - au cœur de nombreuses interrogations sur la dépendance énergétique - la demande d’installation de panneaux solaires dans le monde explose. Ainsi, selon l’AIE, la capacité photovoltaïque devrait tripler à 2 350 gigawatts de puissance potentielle mondiale d’ici à quatre ans. Et si l’Europe, notamment, accélère, c’est également le cas des Etats-Unis, de l’Inde… de même que de la Chine. Tout l’enjeu étant désormais pour les entreprises françaises de savoir « comment se positionner dans la chaîne de valeur alors que la Chine, dans une logique de soutien massif de l’Etat, maîtrise la quasi-totalité du marché du polysilicium et qu’elle fixe les prix », analyse Pierre-Emmanuel Martin, vice-président en charge de l’industrialisation d’Enerplan, le syndicat des professionnels de l’énergie solaire. « Dans la mesure où les intrants représentent 60 % du coût d’un module, si vous n’avez pas une puissance d’achat qui pèse sur le marché, autrement dit si vous faites de petits volumes, vous ne pouvez pas avoir des prix intéressants », explique-t-il. 

L’usine XXL de Carbon 

Produire de gros volumes, c’est justement l’objectif de Carbon, une start-up lyonnaise que Pierre-Emmanuel Martin, a cofondée en 2022. Le projet de la jeune pousse : « développer en Europe, et en particulier en France, une industrie intégrant le cœur de la chaîne de valeur pour produire et commercialiser à grande échelle des plaquettes de silicium, des cellules et des modules photovoltaïques compétitifs, fiables, durables, à haut rendement et très bas carbone ». Et pour ce faire, créer une gigafactory dès 2025. La première devrait ainsi voir le jour à Fos-sur-Mer, dans les enceintes du Grand port maritime de Marseille, sur une surface d’environ 60 hectares. L’objectif ? Atteindre une capacité de production annuelle de 5 GW de cellules photovoltaïques et de 3,5 GW de modules, avec, à la clé, 3 000 emplois créés. Un projet qui nécessitera de réunir 1,5 milliard d’euros d’investissement et qui « entre maintenant dans sa phase de concertation publique », a annoncé début mars la jeune entreprise dans un communiqué. 

A l’horizon 2030, la société ambitionne de produire et de commercialiser 30 GW de wafers, 20 GW de cellules et 15 GW de modules photovoltaïques grâce à la construction, en Europe, de plusieurs usines et la création de quelque 10 000 emplois. En somme, un chantier de taille, qui réunit tant l’ambition de la décarbonation que de la souveraineté énergétique et de la réindustrialisation.  

Tousolar installe les panneaux assemblés dans l’Hexagone 

A l’autre bout de la chaîne, l’installation de panneaux fait naître elle aussi des projets innovants, à l’instar de celui de Tousolar. La toute jeune pousse installe, dans un rayon à une heure de Toulouse, des panneaux bas carbone assemblés en France, avec une offre d’accompagnement et de suivi. Les panneaux installés proviennent de deux usines d’assemblage françaises, Voltec en Alsace et Systovi près de Nantes, indique Guillaume Lamiaud, PDG de l’entreprise. « Notre mission première est de permettre à tout un chacun de mieux consommer grâce à une énergie renouvelable locale » et aussi de « réduire sa consommation dans le but de mieux se la réapproprier », ajoute le dirigeant de cette société constituée en coopérative d’intérêt collectif qui compte quatre employés et douze sociétaires.

En clair, ce statut signifie que « les associés sont les employés, mais aussi les clients, les partenaires et les bénévoles. L’idée c’est que nos clients ont un besoin qu’ils expriment, nos partenaires ont des solutions techniques pour répondre à ces besoins et nous les agrégeons sous forme d’offre », précise Guillaume Lamiaud. Ces différentes catégories décident ensemble des axes stratégiques de l’entreprise. « Dans notre coopérative, 60 % du résultat est réinjecté dans l’entreprise, 30 % en intéressement pour les employés et 10 % sur des sujets de précarité énergétique en installant des panneaux sur les logements à loyer modéré », détaille-t-il. Un modèle qui fonctionne, à en juger par un CA de 250 000 euros réalisés l’an dernier. Chiffre qui pourrait bien tripler en 2023 selon leurs prévisions. Prochaine étape : créer la même activité en Ariège, toujours dans l’idée de n’intervenir qu’à une heure de l’équipe locale, et en créant des emplois.  

Les solutions intelligentes de MyLight150 

C’est sans oublier la pépite lyonnaise MyLight150 qui, certes, produit ses panneaux en Asie, mais les conçoit en France où elle développe tout un écosystème de solutions intelligentes d’autoconsommation solaire, dont une « batterie » virtuelle dans le cloud qui mutualise le stockage. Pionnière du photovoltaïque en France, puisqu’elle a été créée en 2014, la start-up affiche la volonté d’accompagner tant les particuliers que les entreprises et les collectivités vers leur indépendance énergétique. Une mission qui l’a propulsée, notamment depuis la crise énergétique, dans une ascension fulgurante.

Après 90 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, la société projette de réaliser 85 % de croissance cette année et de doubler ses effectifs avec 200 postes ouverts en 2023. Distribuant ses solutions en France, en Italie, Espagne, en Roumanie et en Suisse, MyLight150 entend affirmer son modèle énergétique en Europe avec la même conviction qui a motivé son lancement il y a près d’une décennie - l’énergie solaire au cœur du système énergétique de demain.  

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